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mardi 17 avril 2018

Une adoption 16


 Dans cette rubrique, nous vous proposons de retrouver régulièrement le témoignage d'une maman ou d'un papa adoptant sur son parcours, son chemin vers son enfant et sur leur adaptation commune...


 



Année de l’adoption
2017

Age de l’enfant à son arrivée
Des jumeaux de 7 ans et 3 mois.

Votre profil ?
(âge / couple ou célibataire / déjà des enfants ou non)

Lui 35 et moi 36, mariés, pas d’enfants biologiques.

- Depuis quand avez vous le projet d'adopter ? quel a été votre cheminement vers l'adoption ?

Suite à une infertilité, un parcours PMA. Une seule FIV. Je sentais que ce n’étais pas le bon chemin, tout mon corps me le disait. L’idée de l’adoption était dans un coin de ma tête mais mon mari n’était pas encore prêt. Suite à l’échec de la FIV, nous avons eu une grande discussion pendant plusieurs heures : nous avons pris la décision de stopper la PMA, et de réfléchir sérieusement à l’adoption. 6 mois plus tard, notre décision était prise. C’était en mars 2014. Nous nous sommes mariés civilement 3 mois plus tard, et avons assisté à la première réunion du conseil général en septembre 2014.

- Votre projet ?
(notice d'agrément / dossier international ou national)Comment l'avez-vous construit ?

Moins de 7 ans, avec particularités légères ou réversibles n’entravant pas l’autonomie future de l’enfant. 1 enfant ou 2 si fratrie. Mais nous étions projetés depuis longtemps sur une fratrie. Étant dans un département rural et donc avec des adoptions rarissimes pour des pupilles, nous avons d’emblée construit notre projet sur une adoption internationale.
L’agrément s’est bien passé, malgré le fait que les travailleurs sociaux manquaient cruellement de connaissances récentes concernant la réalité de l’adoption. Les enquêtes étaient très complètes, et nous avons obtenu le précieux sésame 9 mois après le début des démarches.

- L’agrément, les OAA, l’apparentement ?

Nous avons contacté tous les OAA possibles. Nous avons essuyé refus sur refus, malgré un agrément assez ouvert, et nos âges respectifs peu élevés. Nous avons eu un premier « oui peut-être » de la part d’un OAA pour le Vietnam, qui nous demandait de remplir certains formulaires. 4 mois plus tard, n’ayant pas de nouvelles, j’ai téléphoné, et suis tombée de très haut lorsque la présidente a démonté notre dossier en 5 minutes. Selon cette présidente, jamais nous ne pourrions adopter à l’international à cause du fait que ma mère ne m’a pas donné signe de vie depuis plus de 15 ans.
1 mois après cette grande désillusion, nous rencontrions le pédiatre d’une COCA pour affiner avec lui la question des particularités. Il nous a redonné confiance en notre projet et nous a parfaitement aiguillés. Nous étions arrivés dans son bureau avec un moral très bas et des doutes sur nos chances de réussir ; nous sommes repartis beaucoup plus sereins.
Nous avons relancé tous les OAA, nous avons de nouveau reçu des refus en pagaille, mais l’un d’entre eux nous a donné des signes positifs au mois de mai 2016. Nous avions une procédure à suivre avec plusieurs étapes avant d’obtenir une acceptation ferme de la part de cet organisme, mais le vent tournait en notre faveur.
Nous avons finalement été acceptés en aout 2016, et notre dossier est parti dans le pays concerné en septembre de la même année.
On nous avait annoncé une attente comprise entre 6 mois et 3 ans.
Fin mai 2017, nous avons reçu l’annonce qui a changé notre vie : des jumeaux fille et garçon âgés de 7 ans nous attendaient. Nous avons reçu leurs photos quelques jours plus tard, nous avons vécu ces moments d’une manière absolument indescriptible. L’annonce en particulier avait un côté surréaliste, nous n’avons pas cessé de relire les quelques informations que nous avions, et cette nuit là fut blanche. Le lendemain, j’ai définitivement réalisé lorsque j’ai vu des vêtements pour enfants en promo au supermarché du coin… Je me suis mise à pleurer au milieu du rayon devant une jupe à volants et un T shirt avec un monstre portant des lunettes de soleil.
Nous avons alors attendu que l’OAA nous communique la date de convocation sur place pour organiser notre voyage. Nous sommes montés dans l’avion 2 mois après l’annonce, fébriles mais plus heureux que jamais.
- Quelle prise en charge de l’enfant sur place ?
 
Nos enfants vivaient en institution depuis leur naissance. Ils avaient été très bien pris en charge, avec beaucoup d’affection, des référentes fixes, et un mode de vie sain.
Ils ont été bien préparés à leur adoption : tout d’abord leur accord a été demandé. Ensuite, ils ont vus plusieurs de leurs copains partir avec des familles adoptives. Et enfin, ils ont été préparés à nous rencontrer.
Au niveau médical, ils ont bénéficié d’un suivi très complet et régulier, nous avons donc un dossier très détaillé.


- La rencontre ?

Magique.
Et en 2 temps. D’abord avec notre fils, qui nous a rejoints devant le bâtiment administratif de l’orphelinat. Il avait un sourire radieux et en même temps gêné. Il était à la fois curieux et mal à l’aise comme on peut l’être devant des étrangers. Il a brisé la glace en nous montrant l’album photo que nous lui avions fait parvenir, il nous a « vérifiés » en comparant avec les photos et il nous a montré notre maison, en semblant demander si c’était bien vrai. Il a pris la main de son papa au bout de 5 minutes à peine, et nous a laissé jouer avec lui très rapidement. Il nous a fait visiter son orphelinat, il a rangé ses affaires, fermé son casier, et il est parti sans se retourner. Il a fallu le rattraper pour faire quelques photos avec les nounous écroulées de rire… Nous avons passé plus d’1 heure avec lui dans son orphelinat, il était assez intimidé au départ mais s’est vite détendu, et il paraissait confiant. Sur le trajet nous menant à sa sœur il s’est endormi allongé sur nous 2, épuisé par le choc émotionnel de notre rencontre et du départ de sa maison.

Nous avons ensuite rencontré notre fille. Elle est arrivée accompagnée de sa nounou, son visage était fermé et elle s’est seulement mise à sourire lorsqu’elle a aperçu son frère. Il a semblé lui dire qu’elle pouvait se détendre, du genre « Vas-y, ils ont l’air sympas ». Elle a alors consenti à nous regarder à la dérobée, et nous l’avons sentie méfiante mais aussi curieuse. Nous étions dans un bureau avec la responsable de l’orphelinat, 2 nounous et une assistante sociale, donc nous n’avons pas eu les mêmes moments privilégiés qu’avec notre fils. La rencontre a été assez rapide, trop rapide même. Nous n’avons pas eu la possibilité de vraiment vivre ce moment avec notre fille. Elle est partie comme son frère, après un bisou à ses nounous elle a marché vers la porte d’un pas décidé et ne s’est pas retournée.
Quelques jours plus tard nous avons eu la chance de revoir ses 2 nounous, qui lui ont remis un album de photos récentes, et quelques cadeaux. Nous avons pu profiter de ce moment essentiel, et vivre ces instants comme un passage de témoin entre ces 2 femmes qui ont pris soin de notre fille et nous.

Les débuts ? La vie de famille ?

Nous avons fait connaissance les premiers jours, grâce à des jeux, des rituels, la piscine de l’hôtel, etc… Les enfants avaient un lien fusionnel, dans lequel nous avons petit à petit réussi à nous insérer sans les brusquer.
Durant notre séjour dans le pays de naissance de nos enfants, nous avons tâtonné, nous nous sommes découverts, nous avons accueilli les moments heureux comme les moments de nostalgie des enfants. Ils réalisaient peu à peu ce qui était en train de se jouer, et ont eu chacun leur tour des instants difficiles pendant lesquels nous avons été là pour accompagner leur tristesse et la reconnaitre car elle était bien légitime et compréhensible.
L’affection envers nous est venue petit à petit. Un soir, ma fille s’est abandonnée dans mes bras alors que nous rentrions du restaurant : c’était la première fois qu’elle était aussi détendue, aussi naturelle, c’était la première fois qu’elle laissait tomber sa carapace. Mon cœur a failli exploser, c’est ce soir-là que je suis réellement devenue sa maman. Elle m’a adoptée doucement, par à coups, par étapes, à sa manière.
Le retour à la maison s’est très bien passé, les enfants ont vérifié tous les détails sur les photos que nous leur avions montrées, et ils ont bien trouvé leurs marques.

Nous avons passé 4 mois à la maison, sans aucune contrainte. Pas de travail, pas d’école, de très rares rendez vous. Du temps seulement pour nous 4, consacré à jouer, à installer nos rituels et nos habitudes ensemble, à découvrir une vie de famille (nouvelle pour tous les 4 !), à apprendre à faire du vélo, à aller au zoo, à prendre le temps de créer un lien entre nous tous.


Les difficultés.

Notre fille a eu 2 grosses crises de nostalgie depuis son arrivée en France : elle pensait à sa nounou avec qui elle avait un lien très fort. Elle pleurait à chaudes larmes, elle était inconsolable. Nous ne pouvions rien faire à part nous relayer pour rester près d’elle et lui offrir nos bras. La première fois, je lui ai parlé entre 2 sanglots : je lui ai dit que je la comprenais, que sa nounou était une personne très importante pour elle, et qu’elle ne l’oublierait jamais. Je lui ai également dit que plus jamais elle ne vivrait une séparation aussi difficile parce que je resterai sa maman pour toujours. Elle m’a serrée tellement fort ce soir-là… Aujourd’hui elle parle encore très souvent de sa nounou mais elle n’a plus d’épisodes de grosse tristesse.

Les premiers mois, notre fils avait un besoin énorme de maitrise : le temps (connaitre l’heure, lui donner le temps de trajet, respecter l’horaire), l’espace (visiter chaque recoin de tout nouveau lieu, ranger à l’extrême, modifier la disposition de sa chambre 2 fois par jour, rester vigilant en voiture pour repérer tous les trajets, etc…) et les gens (il a scruté les photos de notre entourage de façon quasi compulsive, et il fallait lui expliquer plusieurs fois qui étaient ces personnes pour le rassurer). Nous l’avons laissé faire, il s’est détendu au fil des semaines et aujourd’hui sa chambre est un champ de ruines dans lequel lui seul arrive à se retrouver…

Un moment marquant.

2 en fait.
Le jour de notre arrivée à la maison, enfin à 4. Notre fille était épuisée après un très long voyage et l’excitation de la découverte de son nouvel environnement, elle s’est endormie comme une souche. Nous sommes restés à 3 avec son frère et il nous a dit dans sa langue maternelle avec un sourire profond « moi heureux ».

Notre fille adore dessiner. Environ 2 mois après notre arrivée en France, elle a réalisé un dessin sur lequel elle nous a représentées toutes les 2, ainsi que des pointillés pour faire une route qui nous reliait, et les drapeaux de la France et de son pays natal. Elle m’a ensuite expliqué son dessin, pour me dire qu’on s’était dirigées l’une vers l’autre. Un symbole très fort pour une petite fille de 7 ans.

1 commentaire:

  1. Encore un magnifique témoignage ! Celui-ci me touche d'autant plus que nos familles ont des similitudes. Votre fille me fait beaucoup penser à mon + grand fils. Je vous souhaite une belle vie de famille <3 Merci pour ce beau récit

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