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lundi 5 décembre 2016

Une Adoption 9

Dans cette rubrique, nous vous proposons de retrouver régulièrement le témoignage d'une maman ou d'un papa adoptant sur son parcours, son chemin vers son enfant et sur leur adaptation commune...
 
-Année de l'adoption ?
2015

- Quel pays ?
Chine

- Age de l'enfant à son arrivée ?
25 mois

- Votre profil ? Votre projet ?
Notre profil : couple trentenaire, déjà parents de 3 enfants dont un petit qui avait moins de 2 ans lors de la réception de l'agrément.
Notre projet : un enfant plus jeune, avec une ouverture à plusieurs particularités de santé n'empêchant pas l'autonomie et permettant une scolarité "normale". Nous nous orientions plus particulièrement vers un enfant séropositif au VIH, ou présentant une malformation physique (agénésie ou malformation d'un membre, paralysie partielle, cardiopathie, malformation digestive opérée...).

- L'agrément, les OAA, l'apparentement ?
Il s'agissait d'un deuxième agrément : notre deuxième enfant est également adoptée. Notre première expérience adoptive nous a permis d'aborder cette deuxième procédure avec un peu plus de recul et de zénitude face à cette première partie de procédure qu'est l'agrément. Le seul point qui a posé question à la commission d'agrément (nous en avons eu écho après coup) était la différence d'âge entre notre troisième enfant et le futur quatrième. Que nos enfants soient très proches en âge ne nous dérangeait pas, mais certains membres de la commission auraient voulu imposer une différence d'âge d'au moins 2 ans. Heureusement, nous avons obtenu l'agrément avec l'ouverture que nous espérions : un enfant plus jeune que notre troisième.
Notre ouverture aux particularités de santé n'a pas fait "peur" au service adoption. Nous y réfléchissions depuis des années et nous nous étions bien documentés ; nous avions rencontré des professionnels de santé (notamment une spécialiste des hépatites et du VIH) et des familles ayant adopté des enfants à besoins spécifiques, que j'avais contactées via le groupe de discussion yahoo "à particularité".

Il nous était impossible d'adopter dans le même pays que lors de notre première adoption, ce pays étant désormais fermé.
Une fois l'agrément obtenu, nous avons envoyé très rapidement un pré-dossier à l'AFA pour la Chine ; un couple d'amis venait d'adopter par leur intermédiaire, et leur témoignage nous avait emballés. Nous avons été officiellement acceptés à l'automne 2014. Nous avons constitué le dossier puis l'avons fait légaliser et surlégaliser, en un temps record : deux mois plus tard nous l'envoyions à l'AFA.
Puis il nous aura fallu attendre mi-juin 2015 pour pouvoir participer au programme "Special Needs - Chine" : le temps que l'AFA envoie notre dossier, puis ait connaissance de notre numéro d'enregistrement. A partir de là, l'AFA pouvait nous contacter à tout moment pour nous faire une pré-proposition d'enfant.
Nous nous préparions à devoir attendre entre 6 et 12 mois...

Puis tout se précipite : un appel fin août 2015 pour nous parler d'un enfant dont nous recevons son dossier médical par mail.
Là, il nous faut prendre une décision très rapidement. Nous prenons contact avec des médecins qui nous aident à comprendre ce dossier, et nous acceptons dès le lendemain de devenir les parents de cet enfant.
C'est une petite fille de presque 2 ans (seulement 5 mois de moins que notre fils !), au passé médical lourd, avec donc un risque de séquelles diverses... mais dont le développement est très satisfaisant, pour ne pas dire très étonnant ! Son dossier médical était très complet, comprenant des tests de vue et d'audition poussés
Deux mois plus tard, nous partirons à sa rencontre...

- Quelle prise en charge de l'enfant sur place ? (accueil, prise en charge médicale, préparation à l'adoption...)
Dans son malheur, notre fille a eu la chance d'arriver dans un orphelinat où les enfants sont plutôt bien pris en charge, avec un ratio nourrices/enfant assez important (4 enfants par nounou). Un orphelinat subventionné par une ONG américaine, qui met en place des programmes spécifiques, notamment pour préparer les enfants à leur adoption. Le jour de la rencontre, l'orphelinat nous transmettra un cahier de vie, rédigé par sa nounou, avec des photos des activités, anniversaires, sorties... Nous avons la nette impression que notre fille a été particulièrement chouchoutée à l'orphelinat.


- La rencontre ?
Lundi matin. Nous arrivons un peu en avance sur l'horaire indiqué, dans ce grand bureau où quelques familles sont déjà installées et font connaissance avec leur enfant.
Notre guide-interprète s'adresse à des personnes, tapote la tête d'une toute petite fille emmitouflée dans un gros manteau et nous dit : "c'est celle-ci".
Ouch.
Notre fille est tout sourire, elle vient vers nous et nous tend les bras. Je n'aurais jamais pensé qu'une rencontre aussi facile pouvait exister ! A peine le temps de nous asseoir que déjà la guide nous appelle : "madame, monsieur, il faut venir signer les papiers !".
20 minutes plus tard, nous sortons déjà du bureau avec notre fille dans les bras ; direction l'hôtel, où elle vivra avec nous pendant 2 semaines avant de découvrir notre maison, sa maison.

- Les débuts ? La vie de famille ? Les difficultés ?

Nous avons découvert la fillette la plus enjouée de la Terre ! Curieuse, câline, partante quoi qu'on propose... et toujours en recherche de contact, à tel point que c'en est envahissant parfois ! Dès le premier jour tout a été très évident. Le bain, les soins, les repas, les câlins, les jeux, les sourires... Entendre son rire dès le premier jour, quel bonheur inattendu !

Le principal hic de ces premiers moments : elle était bien trop sociable... Certes, c'est ce qui a permis qu'elle vienne dans nos bras si facilement ; mais elle aurait pu partir avec n'importe qui... Au restaurant, si quelqu'un lui faisait un petit coucou de loin, elle s'en allait pour faire connaissance. Elle acceptait d'être prise à bras par toute personne qui le voulait.
Une fois rentrés en France, la règle était simple : PAS TOUCHE ! Nous avons interdit à nos parents, oncles, tantes et amis, de la prendre à bras. "Si elle réclame les bras, adressez-la à Papa et Maman !" Cette consigne n'a pas forcément été bien comprise ("Mais, je ne vois pas où est le problème, c'est super qu'elle soit si sociable !"), mais tout le monde l'a respectée. Un peu plus de 2 mois plus tard, nous avons senti qu'elle avait compris la place de chacun, nous avons donc lâché la bride, pour le plus grand plaisir des grands-parents !

Autre petite difficulté : l'orphelinat étant un grand terrain de jeu, notre fille ne connaissait pas le "non". Mon dieu, quelle touche-à-tout ! Elle en a cassé des choses...
De mon côté, après quelques semaines d'une très jolie lune de miel, je me suis sentie envahie et débordée... J'ai mis pas mal de temps avant de trouver un nouvel équilibre et d'accepter cette nouvelle arrivée comme pleinement ma fille. Même si je la désirais ardemment, elle est finalement arrivée très vite, peut-être trop vite, après notre fils... et je me suis sentie privée de moments privilégiés avec lui car il fallait désormais tout partager.

Sinon, côté santé, tout va étonnamment bien.
Seul point un peu délicat : un retard psychomoteur, mais sans gravité. A deux ans, elle marchait tout juste, en se balançant sur ses petites jambes et avec des pertes d'équilibre fréquentes. Aujourd'hui encore, à 3 ans, elle tombe très régulièrement. Mais comme la demoiselle est curieuse et veut suivre son grand frère partout, elle grimpe dans les escaliers, grimpe sur les chaises... et finit parfois aux urgences...
Lors de son adoption elle ne mangeait que des bouillies, elle ne savait pas mâcher et encore moins avaler ce qui n'était pas mixé parfaitement (les petits pots maison ne lui convenaient pas car pas suffisamment bien mixés !). Cela a mis plusieurs mois pour qu'elle puisse manger des morceaux, et aujourd'hui elle mange encore trèèèès lentement... sauf les coquillettes et les petits suisses, qui sont engloutis à la vitesse de l'éclair !

Les relations avec ses soeurs et son frère se passent... comme entre des frères et soeurs ! Elle est très complice avec son frère quasi-jumeau qu'elle imite à chaque instant (ce qui l'a fait évoluer à toute vitesse côté langage !) ; elle est en adoration envers notre aînée qui est comme une petite maman pour elle ; et plutôt en mode jalousie-concurrence avec la deuxième, mais pas toujours : elles vivent parfois de jolis moments de complicité.

- Un souvenir marquant ?


Un souvenir aigre-doux : la visite de l'orphelinat, deux jours après la rencontre avec notre fille.
Nous tenions à dire merci et au revoir à sa nourrice, et aussi pouvoir voir de nos yeux l'endroit où elle avait passé les deux premières années de sa vie. Cela nous paraissait donc important de visiter l'orphelinat. Puisque nous en avions la possibilité logistique, l'occasion était à saisir.
Dès l'instant où elle l'a vue, notre fille s'est réfugiée dans les bras de SA nounou et ne voulait plus revenir vers nous. Toutes les nourrices se la sont passée de bras en bras, ont mis de la musique pour danser avec elle, avec, tout autour, les enfants de son groupe (presque tous lourdement handicapés). Notre puce a joué à la starlette, retrouvant l'endroit qu'elle connaissait si bien. Le personnel est allé décrocher pour nous la plaque d'identité sur le lit de notre fille (pfiouuu... émotions au rendez-vous !), et nous a aussi donné son petit bol et sa cuillère.
Cela n'a duré qu'une heure seulement, mais l'heure la plus longue de ma vie... J'ai gardé le sourire, mais au fond je ne me suis jamais sentie aussi mal à l'aise, aussi peu à ma place, aussi étrangère... au milieu de cette "presque famille" à qui nous retirions leur petite chouchoute...
Finalement, sa nourrice a su trouver le truc pour éviter les pleurs au moment de partir... preuve supplémentaire qu'elle la connaissait par coeur.
Je ne regrette absolument pas cette visite, mais sur le moment c'était une véritable épreuve.