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lundi 4 juillet 2016

Une adoption 5


Dans cette rubrique, nous vous proposons de retrouver régulièrement le témoignage d'une maman ou d'un papa adoptant sur son parcours, son chemin vers son enfant et sur leur adaptation commune...


- Année de l'adoption ?

2010
- Quel pays ?
Ethiopie

- Age de l'enfant à son arrivée ?
2 ans et 8 mois

- Votre profil ? Votre projet ?
Nous avons rapidement décidé que la PMA n'était pas pour nous et nous nous sommes lancés pleins d'espoir dans l'adoption ! Nous avions 28 et 31 ans lors du dépôt de la demande d'agrément. Nous avions un projet classique 0-4 ans, toutes ethnies.

- L'agrément, les OAA, l'apparentement ?
L'agrément a été éprouvant, après une attente de près d'un an après le dépôt de la demande, de longs entretiens de plusieurs heures, sur le mode dérangeant. Mais nous étions tellement contents d'avancer, et optimistes : à ce moment là, l'adoption était moins difficile, et il nous semblait que l'issue de notre démarche ne dépendait que de notre volonté.
Début 2009, lorsque nous avons eu l'agrément, on disait déjà qu'il était difficile d'être pris par un OAA. Nous avions tout préparé, fichier Excel à l'appui, et le mailing des candidatures est parti trois jours après, avec arrosage systématique de toutes les OAAs possibles, car nous n'avions pas de préférence de pays. Erreur stratégique : nous nous sommes retrouvés avec une série d'entretiens qui nous a presque débordés ! Nous avons rencontré 4 OAAs, dont deux nous ont paru vraiment sympathiques, et nous sommes partis avec la première qui nous a acceptés fermement. Du coup, nous n'avons pas rencontré la 5ème qui nous avait également convoquée.
L'apparentement est arrivé très rapidement après le dépôt du dossier en Ethiopie. C'était le 31 décembre 2009. J'ai essayé de prendre des notes, et je crois que je n'ai réussi qu'à écrire "garçon" (comme si je risquais de l'oublier !) et son prénom. D'emblée on nous a donné deux dates de naissances, et du coup c'était un peu difficile de se projeter. Il fallait accepter l'apparentement pour avoir le dossier et les photos. Ensuite, au fil des mois, nous avons reçu 3 fois des photos. Il avait tellement changé à chaque fois ! L'attente avant le voyage n'a duré qu'un peu plus de six mois, mais avec un blocage au milieu qui nous a causé trois mois d'incertitude. C'était un véritable calvaire. Nous ne vivions plus que dans l'attente du feu vert.

- Quelle prise en charge de l'enfant sur place ? (accueil, prise en charge médicale, préparation à l'adoption...)
Il n'était pas possible de visiter l'orphelinat : comme il était très grand, il y aurait eu des blancs dans les couloirs sans arrêt s'ils avaient autorisé les visites. Mais nous avions un petit film qui montrait la vie des enfants. Ils faisaient de leur mieux mais ça semblait tout de même assez "usine". Le petit album que nous avions envoyé pour la préparation avait été touché puisqu'il était abimé, mais je ne suis pas sûre qu'un enfant de cet age puisse comprendre grand chose. Il a surtout servi a posteriori, pour constater que tout ce qui était dans l'album était bien à la maison !

- La rencontre ?
A l'orphelinat, après une nuit blanche dans l'avion, notre petit groupe de 5 couples + 2 animatrices venant chercher 8 enfants a été installé dans un petit salon avec des fauteuils et canapés. Je pense que nous étions tous verdâtres de fatigue et de stress. Les deux bébés sont arrivés dans les bras d'une nounou, puis les 4 grands sont entrés en courant. Les deux moyens, dont le notre, encadraient une nounou qui les tenait par la main. Notre petit bout est resté sur le pas de la porte, regardant partout sauf vers nous. Je lui ai pris la main et il s'est laissé emmener jusqu'à "notre" fauteuil. Il était très crispé et manipulait sans conviction les petites affaires que nous avions apporté. Au bout d'un moment, il s'est détendu légèrement, et puis c'est allé mieux de jour en jour. De notre côté, émotion énorme, pas "que du bonheur", mais un tsunami mélangé de bonheur, de stress, et de tristesse à la pensée que nous allions lui imposer encore un déracinement. Ce premier jour, lorsque la nounou est venu les chercher au bout d'une petite heure, ils sont tous partis en courant. Nous étions lessivés ! Le 3ème jour, il s'est retourné pour nous faire un signe. Le 5ème jour, nous partions. Il est venu avec nous sans montrer d'émotion, en mode un peu robot. Ravi de voir les voitures dehors, qui semblait être un des rares mots qu'il savait dire et a conservé longtemps après son arrivée en France. Intéressé pour jouer avec les robinets de l’hôtel. Puis dans l'avion, il a sombré dans un sommeil profond, la tête sur mes genoux.
Près de dix-huit mois plus tard, il m'a dit qu'il était mort de peur ce jour là, et ça l'avait marqué puisqu'il s'en souvenait très clairement ! En regardant les photos, c'est effectivement visible, mais tout à notre émotion, on ne s'en était pas rendu compte...

- Les débuts ? La vie de famille ? Les difficultés ?
Les débuts ont été rock'n roll, comme on peut l'imaginer de la vie avec un enfant de trois ans et des parents débutants ! Grosses crises d'incompréhension avec un enfant qui ne parle évidemment pas bien, tournée des médecins assez compliquée (au secours le rattrapage des vaccins), maman en plein blues et papa qui assure. Le plus difficile, pour moi, a été de me découvrir impatiente, pas si douce que je l'espérais, et tellement rapide à me mettre en colère... Je trouvais mon fils tellement beau et génial, il avait la banane, curieux de tout, tout le monde me disait "Alors ça va, vous êtes heureux ? Vous avez de la chance, il est mignon", et moi je ne me sentais pas à la hauteur... ça a duré longtemps. Environ 9 mois après, avec l'aide de kilos de chocolat et le soutien de mon mari et de quelques copinautes, je commençais à me détendre vraiment. J'ai appris à gérer ma colère. La sensation de ne plus jamais être tranquille m'a quittée avec l'entrée à l'école.
Par la suite, pas de problèmes de sommeil mais l'alimentation est rapidement devenue un casse-tête car il était en surpoids important et les repas ont été des moments de stress pendant des années.
Il a aussi très difficile pour nous de le voir pendant plus de deux ans se coller à n'importe quel adulte qui lui accordait de l'attention de façon inappropriée : mains dans le décolleté des dames ou une demi-heure dans les bras d'une vague connaissance, à 4,5 ans. Une des accompagnatrices de notre voyage avait raconté qu'à une période, ils avaient pris le parti d'interdire à son fils de toucher quiconque en dehors de la famille. J'avais trouvé ça un peu extrême mais j'ai compris a posteriori ! Ca l'empêchait parfois de jouer avec les autres enfants. Bien sûr on nous disait de le laisser faire, que c'était normal, que c'est comme ça en Afrique, que c'est bien d'être sociable... Comme nous avons mis longtemps à nous sentir légitimes en tant que parents, ça nous blessait particulièrement (non pas son comportement, qui n'était pas exceptionnel, mais l'attitude des autres qui ne respectaient pas ce que nous demandions). Certaines de connaissances ne mettaient aucune limite et cela nous forçait à jouer le rôle de méchants, au point où nous nous sommes éloignés de certains et où nous avons longtemps fui fêtes et invitations.

- Un souvenir marquant ?
Allez, deux pour le prix d'un : un triste et un merveilleux
- Plus de 6 mois après son arrivée, lorsque nous parlions de notre maison, nous disions "maison de Papa-Maman-C.". Nous avions remarqué depuis quelques jours que C., qui parlait de mieux en mieux, disait "maison de Papa-Maman". Un jour je lui ai demandé pourquoi il disait cela, car c'était aussi sa maison. Il m'a répondu "non, maison de C.", et a fait un geste vers le lointain. Je lui ai expliqué qu'avant il habitait en Ethiopie, mais que nous étions allé le chercher et qu'à présent il habiterait avec nous pour toujours. Il n'a pas paru étonné mais m'a répondu "C. triste". J'ai été estomaquée de découvrir qu'après tous ces mois, il avait encore besoin de la confirmation qu'il allait rester...
- Mon premier poème de fête des mères, 10 mois après son arrivée, récité avec un grand sourire et à des multiples reprises dès le vendredi soir...



3 commentaires:

  1. Merci pour ce beau témoignage. Je vous souhaite beaucoup de bonheur.

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  2. Merci pour votre témoignage, qui me conforte dans la réalité de l'adoption et qui m'aide dans cette période d'attente. Je vous souhaite beaucoup de bonheur.

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  3. Un témoignage avec lequel je nous trouve beaucoup de points communs, notamment sur les émotions et les débuts à la maison. Merci à vous d'avoir partagé cela.

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