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lundi 20 mars 2017

Une adoption 12

Dans cette rubrique, nous vous proposons de retrouver régulièrement le témoignage d'une maman ou d'un papa adoptant sur son parcours, son chemin vers son enfant et sur leur adaptation commune... 






-Année de l'adoption ?

2009

- Quel pays ?
En France, notre bébé était pupille de l’Etat suite à une naissance sous anonymat. Mais nous avions à l'origine un dossier en Chine. Nous avons donc attendu près de 4 ans en Chine et ré-orienté notre projet douloureusement dans un premier temps, pour devenir parents d'une merveilleuse petite fille qui nous attendait à deux pas de chez nous.

- Age de l'enfant à son arrivée ?
5 mois

- Votre profil ? Votre projet ? L'agrément
Encore assez jeunes, sans enfant, deux bons emplois bref tous les voyants étaient au vert. Au départ nous souhaitions accueillir un enfant de toutes origines, plutôt âgé de 2 / 3 ans. Nous n'avions pas de projet en France, ni de nourrisson. La question d'une adoption nationale n'a même pas été évoquée.
L'agrément a été une mascarade : 2 entretiens avec le travailleur social, sans aucun intérêt, mais où nous avons compris que notre projet ne lui convenait pas et qu'il nous faudrait l'amender. Pour abréger nous avons accepté un agrément «  le plus jeune possible » en nous disant que nous pourrions finalement être libres d'accueillir un enfant plus âgé.  Le rendez-vous avec le psychiatre a été tout aussi ridicule, mais en plus très cher…

Entre notre premier courrier et la réception de l'agrément : 16 mois ! Huit mois pour rédiger un torchon bourré d'erreurs et qui nous a été communiqué après l'agrément… Nous avons laissé le rapport tel quel mais n'avons pas eu le choix avec le courrier du psychiatre qui comportait des fautes d'orthographe dans notre patronyme. Cela a encore pris 2 mois pour qu'il transmette un document pouvant prétendre à une traduction.

A partir du jour d'obtention de l'agrément j'ai écrit quotidiennement un journal d'attente car j'étais « traumatisée » à l'idée de ne plus me souvenir ce que j'avais fait le jour de la naissance de mon enfant.  Ecrire m'a beaucoup aidé et aujourd'hui j'ai un recueil de plusieurs centaines de pages à transmettre à ma fille, si elle le désire un jour.


- Les OAA, l'apparentement ?

Nous avons contacté une première série d'OAA. Sur les 10, 8 ont proposé un entretien. Nous sommes allés au plus simple et avons monté un dossier en Chine avec l'OAA rencontrée en premier. Il était annoncé entre 10 et 12 mois d'attente. Prudents nous avons tablé sur 14 mois.
Au final si nous avions du poursuivre en Chine, nous aurions du refaire un second agrément. Pour moi cette attente à reculons est vite devenue insoutenable. Nous avons tenté le Cambodge avec l'AFA pour ne pas nous éloigner trop de notre projet d'origine.Et lorsque la Chine a levé l'exclusivité nous avons recontacté l'ASE. Cette fois-ci, ce fût une merveilleuse rencontre avec une professionnelle remarquable. Les échanges fûrent riches et constructifs. Nous avons aussi découvert que notre antériorité était énorme car elle intégrait la période d'instruction de l'agrément. Nous étions donc présentables de suite en Conseil de famille !
Ce fût un choc et nous avons pris quelques mois pour prendre notre décision en cheminant chacun de notre côté. Ce fût très dur de faire le deuil de l'enfant de Chine. Nous n'avions jamais envisagé d'avoir un bébé et nous repartions à zéro quand à l'image mentale que nous pouvions nous en faire. De notre histoire chinoise nous n'avons conservé que le projet d'avoir une fille.
Nous avons su que le conseil de famille avait décliné une fois notre dossier mais au final nous avons été appelés après 5 ans, 2 semaines et 5 jours de démarches. Quand le téléphone a sonné j'étais à bout. C'était en septembre et nous avions décidé de mettre fin à notre parcours, au plus tard en décembre tant la vie en suspend me pesait. La nature de cet appel ? Au fond de moi je l'ai su immédiatement avant que la juge me l'annonce.

Cinq jours plus tard nous avons déjà pu consulter son dossier, la décrivant comme en grand besoin de maternage. Après lecture et notre accord, nous avons pu découvrir sa photo et rentrer avec ce seul portrait à la maison.Notre fille était en pouponnière et nous l'avons rencontré encore 7 jours plus tard, soit 10 jours après l'appel.


Quelle prise en charge de l'enfant ? La rencontre
En néo-nat pendant 5 jours, elle a ensuite été transférée en pouponnière, dans une petite unité. Le personnel a été formidable avec notre fille. Elle a bénéficié de soins en kinésithérapie. Décrite comme tendue et pleurant beaucoup au départ, nous avons découvert un bébé très  calme. Son regard était perçant et vif, mais grave. Nous étions clairement à l'essai !

Le jour de la rencontre ce fût très court car elle était fatiguée. Nous étions avec la référente de notre fille et notre assistante sociale. Je n'ai pas pu prendre ma fille dans mes bras. Elle a eu un coup de foudre pour son papa et j'ai laissé faire, me contentant de petites caresses. Néanmoins, je me souviens avoir écrit dans son journal: «  ton papa avait les gestes, et j'avais les mots ». En sortant je suis allée faire des courses de puériculture mais j'étais totalement perdue dans le magasin au milieu de mamans super averties.
Après 8 jours de visites quotidiennes en pouponnière, puis à la maison, nous avons enfin débuté notre vie à trois.


- Les débuts ? La vie de famille ? Les difficultés ?

La période d'apparentement a constitué une vraie parenthèse enchantée. Le bonheur que nous avons procuré, à nos proches et ceux qui nous avaient soutenus, a  aussi suscité des moments très intenses.
Le retour à la maison a été à la fois simple et difficile. Mon mari a pris l'intégralité du congé d'adoption et moi j'avais repris des études donc je pouvais assez bien gérer mon emploi du temps, mais pas la fatigue liée à ma double tâche de mère et étudiante a pesée.

Je ne vais pas mentir : j'ai totalement décompensée le lendemain de son arrivée définitive au domicile. Ma fille était facile et donc je me sentais d'autant plus coupable de ressentir son arrivée comme une certaine privation de liberté. Mais je l'avais tellement voulue que j'ai tout enfoui. Heureusement j'ai très vite réagi et rencontré mon médecin qui a trouvé que notre histoire était quand même un tel bouleversement que l'on pouvait bien craquer un peu. Encore aujourd'hui je ressens une grande culpabilité d'avoir eu ces difficultés à devenir mère.

Néanmoins, rapidement nous avons trouvé notre rythme à trois. La rencontre de notre merveilleuse nounou a été aussi déterminante. Elle a pris soin de notre fille pendant 3 ans, avec deux autres enfants. Nous nous voyons encore.
En revanche, mon mari a chèrement payé son congé. Il a été licencié peu de temps après son retour. Rien n'a été dit en ce sens mais c'était pourtant évident. Bien entendu il ne regrette rien.
Notre bébé était TRES facile à vivre : sommeil, alimentation, développement, santé… et encore aujourd'hui notre poulette se montre heureuse, bien que très cérébrale et sensible aux liens d'amitié.

Nous sommes retournés à la pouponnière deux ans plus tard, un peu au hasard d'une promenade. Nous avons été très bien reçus et ma fille a pu revoir son unité avec sa référente. Nous n'avions qu'un modeste album de la maternité et de la pouponnière. Se rendre à la pouponnière lui a permis de construire son histoire et d'affirmer à 30 mois : «  moi j'ai été deux bébés. Avant j'étais R. à la pouponnière et après j'étais S. à la maison ».

Nous avons aussi adressé, 3 ans après, un courrier et une photo à la maternité. Je tenais à les remercier personnellement et à leur montrer que l'accueil réservé à ma fille avait contribué aussi à en faire cette merveilleuse petite personne.


 Un souvenir marquant ? Plutôt deux

Quand j'ai raccroché du fameux appel : je me suis assise et je n'ai pas appelé immédiatement mon mari. J'ai gardé pendant une ou deux minutes cette nouvelle pour moi, rien que moi. J'ai ressenti un tel soulagement, perdu ce poids énorme qui pesait depuis si longtemps. J'étais si légère.

Nous étions ensemble depuis 9 mois et ce matin là je devais partir pour faire ma soutenance en vue de mon diplôme. Ma puce était sur mes genoux juste après son biberon. Elle a pris ma main délicatement et l'a porté à ses lèvres. Son regard noir a plongé dans le mien et elle a déposé un doux baiser sur ma main. C'était son premier baiser, la première fois où j'ai eu la certitude qu'elle me disait à moi qu'elle m'acceptait pour être sa maman pour la vie, qu'elle me disait :  « Voilà je t'ai adopté ».

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