- http://www.meanomadis.com/content/show_Articles.asp?id=534
"Sous le balcon de Juliette, Roméo se questionne : « Une rose n'aurait-elle pas la même beauté, le même parfum et les mêmes extraordinaires qualités si elle portait un autre nom ? ». Indéniablement, l'amour que Roméo eut pour Juliette aurait été aussi fort et éternel même si elle s'était nommée Gertrude ou Fleurette. De même, l'amour que nous portons aux enfants ne devrait pas être relié à leur prénom ! Néanmoins, on ne doit pas minimiser les enjeux symboliques et affectifs du nom d'une personne. Sans prénom, un être humain n’existe pas comme individu unique au monde. On ne peut pas parler de lui, il n'existe ni légalement ni symboliquement. Une des méthodes les plus machiavéliques de détruire la personnalité et l'unicité d'un être humain en prison ou dans des régimes répressifs, n'est-elle pas de remplacer son nom par un numéro ? Rappelons-nous la souffrance du « Petit chose» si bien évoquée par Alphonse Daudet.
Les parents adoptifs ont à résoudre un dilemme inconnu des parents biologiques ; changer ou ne pas changer le prénom ? « Puis-je le faire sans “risque” pour l'enfant ? Est-ce égoïste de ma part ? Quelles seront les conséquences affectives positives ou négatives de ce changement ? Ai-je le droit de lui « arracher » cette identité ? Va-t-il un jour me le reprocher ? ».
Si le parent ne veut pas regretter une telle décision, il faut qu’il puisse la prendre en fonction de ses goûts, ses valeurs, ses croyances, mais surtout en tenant compte des besoins présents et futurs de l’enfant.
D'emblée, nous prenons position en faveur d'un changement de nom. Non par caprice, ni par un fantasme irréaliste de pouvoir effacer les blessures du passé, non par étroitesse d'esprit ou par racisme, mais avant tout par une grande préoccupation d'utiliser tous les moyens à notre disposition afin de favoriser l'accueil, l'attachement parent-enfant et l'enracinement de l'enfant dans sa nouvelle vie.
À ce principe général, il faut apporter des nuances et des exceptions, particulièrement selon l'âge de l'enfant, son histoire personnelle et son type d'adoption ; par exemple la banque mixte au Québec. Le fait d’inclure le prénom d’origine parmi les prénoms, sans avoir à l’utiliser d’office, permet aussi de le laisser en banque pour le raviver au besoin lorsque viendra le temps de faire un retour en arrière pour mieux aller au devant.
Créer un attachement mutuel fort et sain est le plus grand défi en adoption. Il s'agit malheureusement d'un défi sous-estimé et surtout sous-expliqué aux futurs parents adoptants. La capacité d'un petit être humain à s'attacher sainement, profondément et entièrement à ses parents est un des facteurs les plus déterminants de sa survie, de son développement normal et de sa santé physique et mentale. Dans la préparation des futurs parents adoptants, on parle beaucoup de santé physique de l’enfant, des phases d'adaptation habituelles, des carences affectives possibles, des enjeux culturels, des crises d'identité probables, mais très rarement des conditions gagnantes à mettre en place pour favoriser un attachement sain parent-enfant. On constate avec tristesse les graves conséquences de cette ignorance chez les intervenants et les parents. Nous croyons ainsi profondément que le geste d'accueillir l'enfant en lui donnant un nouveau nom est un outil puissant qui peut favoriser l'attachement. Du côté des parents, cela permet de poser un premier geste d'accueil, d'amour et de contrôle sur le destin de l’enfant. Il s'agit des toutes premières décisions d'une série de milliers d'autres qu'ils auront à prendre dans leur rôle parental. Du côté de l'enfant, il sent, puis comprendra plus tard que ce sont ses parents qui aimaient assez ce nom pour le lui donner à lui seul. Enfants et parents pourront plus tard faire le récit de ce choix comme une première page d'histoire de la nouvelle famille qu'ils ont créée ensemble. La quête de son identité culturelle et ethnique viendra plus tard chez certains, jamais chez d'autres. Au besoin, le prénom d’origine pourrait refaire surface, parmi les prénoms d’usage courant, sans les éclipser.
Faire le deuil du prénom ne signifie pas oublier, effacer ou renier. Faire le deuil, c'est choisir le présent et le futur plutôt que de « ruminer » avec nostalgie le passé. Renommer un enfant ne doit pas être une tentative naïve d'empêcher l'enfant d'être fier de ses origines ou de lui faire oublier les blessures de son passé. C'est plutôt lui permettre de vivre totalement dans le présent, dans un nouveau lieu, une nouvelle réalité culturelle et affective. On se doit donc de donner à l'enfant la permission et surtout les moyens de faire le deuil de son passé. C’est un peu l’équivalent de l’adoption plénière."
Johanne Lemieux travailleuse sociale, 2002, et extrait de la normalité adoptive
- http://www.lexpress.fr/styles/enfant/adoption-faut-il-changer-le-prenom-de-l-enfant_1657133.html
"Changer ou non le prénom d'un enfant adopté est avant tout une affaire de famille. Entre héritage du passé et symbole d'une nouvelle vie, l'adoption doit-elle passer par un changement de prénom?
"Changer ou non le prénom d'un enfant adopté, c'est un sujet qui génère beaucoup de discussions inappropriées et qui en dit long sur la façon dont sont traitées les familles adoptives", prévient d'entrée de jeu Jean-Vital de Monléon, pédiatre, spécialiste de l'adoption et auteur de Naître là-bas, grandir ici: l'adoption internationale. "Il faut aller au-delà des idées reçues sur l'adoption. Non, il n'est pas forcément mauvais de changer le prénom de l'enfant même quand il est grand", poursuit-il, à l'opposé de Françoise Dolto, qui s'était affichée résolument contre le changement de prénom.
Le médiatique pédiatre Marcel Rufo émet lui aussi un avis catégorique sur le sujet. "Lorsque les enfants ont déjà un prénom donné par leur mère ou leur père, il ne faut pas changer de prénom. Il faut leur laisser ce prénom en mémoire et en héritage de quelqu'un qui, pourtant, les a abandonnées", déclarait-il dans son émission Allo Rufo, sur France 5, précisant toutefois qu'en consultation, il ne voyait que les zones sombres de l'adoption. Jamais les adoptions réussies.
Fanny Cohen-Herlem, pédopsychiatre et psychanalyste, auteure de L'adoption, comment répondre aux questions des enfants?, suit les parents puis leurs enfants, de la demande d'agrément jusqu'au suivi post-adoption. Son avis se rapproche de celui du docteur Jean-Vital de Monléon, qui conseille de réagir au cas par cas. "Il y a de toute façon toujours une histoire individuelle à prendre en compte. Le prénom n'est que la partie émergée de l'iceberg. Il permet de s'interroger sur ce que l'on sait de l'histoire des enfants et sur ce qui fait sens dans la filiation", précise-t-elle. Ainsi faut-il prendre en compte différents facteurs avant de faire le choix décisif autour du prénom, qui pour toutes les familles, n'est jamais laissé au hasard.
"Certains prénoms ne rendent pas service à l'enfant", explique simplement Fanny Cohen-Herlem. De par leur sens dans la langue française ou parce qu'ils sont difficilement prononçables en français comme Tematamaruinanaiterai, qui a pourtant une jolie signification en polynésien, "Petite fille aux yeux tendres qui regarde le ciel". Parfois, néanmoins, le prénom d'origine s'impose aux parents. C'est le cas pour Christelle et son mari, qui ont adopté un petit garçon de trois ans, en 2009. "Nous voulions changer son prénom pour lui créer une nouvelle vie, une nouvelle naissance. Nous avions le prénom depuis longtemps mais après avoir vu notre petit Sergeï, tout est devenu limpide. C'est un prénom peu courant en France. Il sonne bien avec notre nom de famille et nous souhaitions lui apporter un peu de ses racines", raconte Christelle.
L'histoire du prénom
"Le prénom d'un enfant adopté n'est pas nécessairement attribué par ses parents biologiques", rappelle Jean-Vital de Monléon. Les prénoms peuvent être donnés de façon mécanique, par les organismes d'adoption, suivant une liste ou selon les circonstances, comme cet enfant prénommé comme un homme politique du fait de sa coupe de cheveu à la naissance ou cet autre dont le prénom signifiait "malvenu". Les parents ont alors peu de raisons de s'attacher au prénom d'origine de leur enfant. C'est le cas de Mélanie et son mari: "Lorsque nous avons adopté notre fille, elle avait cinq mois et demi. Elle n'avait pas d'histoire attachée à son prénom, puisqu'il ne lui avait pas été donné par ses parents biologiques. Nous l'avons appelée Janelle. Ce qui est amusant, c'est que Janelle n'est pas un prénom très répandu et que les gens pensent qu'il s'agit de son prénom d'origine."
"En nommant son enfant, on le fait rentrer dans sa filiation. Filiation dont on voudrait priver les familles adoptives", souligne Jean-Vital de Monléon, montrant du doigt les vains projets de loi sur le sujet. Il arrive d'ailleurs que des enfants plus âgés (à partir de six ans), demandent d'eux-mêmes à changer de prénom. "Car ils sont conscients que c'est un facteur d'intégration, dans la famille et dans la société".
Dans la famille de Guilhem, tous les premiers nés ont des prénoms commençant par la lettre G depuis dix générations. Il ne pouvait en être autrement pour son premier enfant. "Nous avions en tête depuis longtemps le prénom Gabriel", raconte Stéphanie, son épouse. "Lorsqu'on nous a présenté notre fils, il s'appelait Samuel, un prénom que nous aimions beaucoup, avec la même musicalité que Gabriel. Cela nous a fait hésiter, mais nous ne voulions pas casser la filiation. Nous avons donc gardé Samuel en deuxième prénom et l'avons appelé par ses deux prénoms pendant quelques semaines, le temps de laisser Samuel s'effacer. Leur prénom, c'est le premier cadeau que j'ai fait à mes enfants. Je ne leur ai pas donné la vie mais je leur ai donné un prénom", confie-t-elle.
Si il ne faut pas sacraliser à tout prix le prénom de naissance, il est important cependant de ne pas le faire disparaître complètement. Jean-Vital de Monléon insiste sur l'importance de le laisser en deuxième prénom. "Il est fondamental de conserver ce prénom, par respect pour l'histoire de l'enfant". Le faire disparaître serait d'ailleurs pour Fanny Cohen-Herlem "une façon de nier l'existence d'un avant. Comment l'enfant pourrait-il devenir un sujet, qui pense, qui a une identité, si il doit se construire sur du sable mouvant?"
- http://leblogdeladoption.blogspot.fr/2008/12/le-prnom-le-changer-ou-le-garder.html
"Plusieurs personnes m'ont demandé récemment ce que je pensais du prénom des enfants adoptés, doit-on le changer ou le garder ?
J'en parle aussi parce que cela aurait été évoqué il y a quelques temps par le "psy de la télé". Le personnage parle très bien, il sait beaucoup de choses et a fait avancer pas mal de choses pour le bien des enfants et des familles, il a aussi beaucoup d'humour, ce qui est pour moi une grande qualité.
Le souci c'est qu'il parle très bien aussi de ce qu'il connaît moins bien. Et dans l'adoption, j'en ai un peu ras le bol des théories, des théoriciens, c'est avec de grandes théories que dans la médecine on dit (et fait) parfois n'importe quoi. Je crois beaucoup plus à l'expérience, à la pratique.
Je serais bref, et j'encourage ceux qui veulent en savoir plus à lire (ou relire) le chapitre assez long que j'ai écrit dans mon livre sur le sujet.
En bref, c'est bien joli et sans doute bien vrai de dire que cela peut troubler un enfant, déjà un peu grand de ne plus être appelé de la même façon. Mais cet enfant vient déjà de changer de culture, de parents, parfois de pays, le prénom ce n'est finalement qu'un détail de plus dans les changements.
Au contraire, garder son prénom, c'est parfois (je pense à quelques exemples, ce n'est ni de la théorie, ni du militantisme) le retenir un peu dans sa vie d'avant, l'empêcher de trouver sa place. Cette vie d'avant qu'il ne faut pas oublier, qu'il faut respecter, mais qu'il est important de laisser à sa place si on veut progresser.
Pour tout enfant quelque soit son mode de filiation, le choix du prénom par ses parents est quelque chose de capital, une façon parmi d'autres de créer un lien ....
De plus les prénoms d'origine ne correspondent parfois à rien, ils ont pu être donné par une administration par toujours bienveillante, ils sont parfois impossibles à prononcer, sujet de moqueries, etc...
Mon conseil est de choisir le prénom qui vous plaira, et de garder en deuxième prénom, celui d'origine, sauf s'il a une consonance trop négative (j'ai connu un enfant dont le prénom signifiait malvenu).
Enfin, une petite pensée pour ces trois soeurs arrivées d'Ethiopie il y a quelques mois. Les parents avaient décidés de garder leurs prénoms d'origine, choix tout à fait respectables, ils aimaient ces prénoms. Trois mois après toutes trois avaient fait le choix de leurs deuxièmes prénoms, prénoms bien français, bien gaulois, elles y avaient vu une concrétisation de leur adoption, un moyen de trouver leur place à l'école, dans la société. Les parents se sont inclinés. Toujours écouter et accompagner les enfants !
Publié par Jean-Vital de Monléon, pédiatre, médecin à la COCA de Dijon blog http://leblogdeladoption.blogspot.fr
Et vous, qu'en pensez vous?
Pour nos enfants, nous avons fait le choix de les prénommer mais de garder leurs prénoms d'origine en 2e prénom.
RépondreSupprimerPour ma fille née en Chine, j'aime beaucoup la signification de son prénom "chance" et "petit cygne", choisi par les nourrices de l'orphelinat et nous y tenons comme trace de son histoire. Elle a meme un 3e prénom, 3e prénom commun à toutes les filles de ma famille, un héritage important pour moi qui le porte aussi en 3e prénom.
Pour mon fils né sous le secret, ce sont les sages femmes de la salle de naissance qui l'ont prénommé, un prénom plutôt rare que nous aimons beaucoup aussi.
Nala
Pendant l'attente, notre fille s'appelait "Claire". Et puis on a découvert sa bouille en même temps que son prénom chinois (Bao) qui veut dire "Trésor". Claire est passé en deuxième position !
RépondreSupprimerhttp://chine.lapin.org