Me voici en train d’écrire un article de blog sur un sujet que je n’aurais jamais pensé aborder.
Et si vous n’aimez pas votre enfant adopté ?
Evidemment, personne ne se lance dans l’adoption en pendant « je ne vais pas aimer mon enfant ». La plupart des gens aborde la démarche avec générosité, détermination et une foi inébranlable. Il n’en est pas moins vrai que de nombreux parents adoptants éprouvent des difficultés à tisser une relation et un véritable attachement avec leur enfant.
Bon, ce n’est pas grave, faites semblant jusqu’à ce que ça vienne ! Après tout vous êtes adulte ; c’est le moins que vous puissiez faire pour un enfant qui a subi des traumatismes. Faites pas votre chochotte. C’est ça être parent, on vous dit.
Eh bien en tant que mère bio et adoptive, je peux vous dire, que cela peut être très différent d’éprouver des difficultés à aimer votre enfant adopté par rapport à un enfant biologique. « C’est ça être parent » est bien la dernière chose qu’un parent adoptant en difficulté avec son enfant a besoin d’entendre. Je connais la différence et je peux vous dire que non, ce n’est pas juste « être parent ».
Nos enfants bio n’ont généralement pas subi des traumatismes depuis leur conception. Ils ne sont sans doute pas nés avec un syndrome de manque. Ils n’ont probablement pas été abusés, négligés ou abandonnés par leurs premiers donneurs de soins, ce qui peut causer un manque crucial dans le développement de leur cerveau. Quelle que soit l’histoire de votre enfant adopté, il y a 99 % de chances pour que la comparaison ne soit pas pertinente. Alors, de grâce, évitez de comparer ou de minimiser la peine d’un parent adoptant en disant « c’est ça être parent ».
OK, j’arrête la minute doléances pour en arriver à mon sujet. Je lutte depuis des années pour établir une relation avec mon m’enfant, m’attacher à lui et l’aimer réellement. Mais il y a de l’espoir et je m’accroche.
Vous voyez, moi aussi je me suis lancée dans l’adoption avec tout mon cœur. Je pensais pouvoir « y arriver ». Je jugeais les parents qui éprouvaient des difficultés en me disant en mon for intérieur « Tu es l’adulte, tu peux faire passer son traumatisme avant ta douleur ».
Puis j’ai rencontré mon enfant. Et tout en lui m’a déstabilisé et a perturbé la famille. Son traumatisme s’est traduit très concrètement par une présence hyperactive dans notre foyer réglé et paisible et. Les diners en famille, qui étaient mon moment préféré de la journée, se sont transformés en batailles affreuses. Notre consommation de vin au diner a augmenté de façon exponentielle. Mes autres enfants qui étaient mignons et câlins ont commencé à se terrer dans leurs chambres pour éviter d’affronter le chaos. Notre foi est tombée au niveau des pâquerettes.
Nous avons tout remis en question.
Mais même aux moments les plus durs, même dans la douleur, les hurlements et l’envie de tout plaquer, nous avons réalisé quelque chose de profond : nous faisions nous-mêmes l’expérience du traumatisme et nous devions nous aider nous-mêmes avant de pouvoir aider notre enfant. Nous étions épuisés, à terre, pourtant nous n’avions que ces pauvres ombres que nous étions devenus pour alimenter et petit humain fragile et insécure.
Nous avons compris que même si le monde de notre enfant était fou, nous n’avions pas à l’être. Nous pouvions tenir le cap. Oui ça demande beaucoup de force, mais nous avons vu qu’il était possible de maîtriser nos réactions et nos émotions afin d’être les piliers solides dont notre enfant avait besoin.
Aujourd’hui je peux vous le dire : c’est possible, et vous n’êtes pas seul. Vous pouvez vous attacher à votre enfant et l’aimer même si pour l’instant il vous fait tourner en bourrique.
Voici quelques trucs qui ont aidé notre famille et quelques références que je suggère à tous les parents adoptifs fatigués :
1.
Ne prenez pas l’habitude de parler mal de votre enfant.
Exprimez vos difficultés pour obtenir de l’aide, mais ne répétez pas sans cesse
vos griefs, car ils risqueraient de se solidifier et de devenir la seule chose
que vous pensez de votre enfant.
2.
Pour contrebalancer le négatif, faites une liste de
choses que vous aimez chez votre enfant. Même si au début ce ne sont que de
petites choses comme la façon dont il caresse le chien, enrichissez la liste
régulièrement. La gratitude suscite la gratitude, et un jour, votre cœur
arrivera à apprécier réellement votre enfant tel qu’il est.
3.
Trouvez une activité que vous aimez tous les deux, réservez
des créneaux dans votre planning et allez-y ! Jouer ensemble favorise
l’attachement des deux côtés.
4.
Johanne Lemieux. Ça se passe de commentaire. Si vous
n’êtes pas au top sur la théorie, lisez « La normalité adoptive »,
regardez les vidéos de Johanne Lemieux en ligne et commencez à établir une
relation basée sur la confiance avec votre enfant difficile à aimer. (NDT : pour les anglophones, la source citée
dans l’article d’origine était « The Connected Child » de Karyn
Purvis, qui n’existe malheureusement pas en VF)
5.
PRENEZ SOIN DE VOUS. Psy (pour vous), sorties de
couple, vacances, cinéma, femme de ménage si vous le pouvez, massages, tout ce
qui peut vous aider à penser à autre chose !
6.
Bougez.
Je ne rigole pas. Je n’ai jamais été sportive avant d’avoir cet enfant,
et je suis passée à 5 à 6 séances d’activité physique par semaine. La
dépression peut empêcher la sérotonine d’accéder à votre cerveau ;
l’activité physique permet de lever ces blocages et de vous aider à éprouver
des émotions agréables.
7.
Vitamines. Vous n’avez qu’à faire une recherche Internet
sur le rôle des vitamines dans la dépression. Pour ma part j’adore les familles
B et D et je suis fan du magnésium !
8.
Médicaments. Pour être honnête, je n’ai jamais essayé
mais de nombreux parents ont commencé à prendre des antidépresseurs pendant ou
après leur procédure d’adoption et s’en sont trouvés mieux.
9.
Ne pensez jamais que vous n’aimez pas votre enfant. Du
moment que vous voulez son bien : c’est ça l’amour. Certaines personnes
ont du mal avec ça, mais apprécier et aimer ne sont pas des synonymes. Ma
définition de l’amour parental n’a rien à voir avec les émotions. Confondre les
deux, c’est se culpabiliser et risquer de commencer à envisager un futur sans
cet enfant.
10. Enfin,
ne laissez pas votre bien-être et votre joie reposer sur la situation réelle et
émotionnelle de votre foyer. Ce dernier point m’a pris longtemps, mais j’ai
fini par comprendre qu’il est possible de trouver de la paix et de la force
même dans les périodes de souffrance. Ceux qui ont la foi pourront élargir
leurs prières et ressentir de décentrez leurs pensées de leur enfant. Ouvrez
votre cœur à l’amour et à la bonté de l’univers et soyez simplement
reconnaissant à la vie au-delà de vos circonstances particulières. Recentrer
mon âme ainsi m’a vraiment permis de trouver des réserves d’amour et de
patience pour mon enfant.